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mardi 11 juin 2013

OH BOY : L'art d'être paumé en ayant la classe

  Aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'un film excellent que je suis allée voir hier au cinéma : Oh Boy.

  Synopsis :

"Niko, Berlinois presque trentenaire, éternel étudiant et rêveur incorrigible, s’apprête à vivre les vingt-quatre heures les plus tumultueuses de son existence : sa copine se lasse de ses indécisions, son père lui coupe les vivres et un psychologue le déclare « émotionnellement instable ». Si seulement Niko pouvait se réconforter avec une bonne tasse de café ! Mais là encore, le sort s'acharne contre lui..."

Durée : 1h28.
Un film de Jan Ole Gerster.


   Bon alors en d'autres mots, Oh boy, c'est quoi ?
  C'est un film fichtrement bien ficelé qui nous plonge pendant 24 heures dans la vie de Niko, ex étudiant un peu paumé qui s'interroge sur ce qui l'entoure. Ne sachant pas bien quoi faire de sa vie (quand son père, bourgeois snob et égoïste, lui demande ce qu'il a fait depuis deux ans qu'il a quitté la fac, Niko lui répond qu'il a réfléchi), à distance par rapport aux choses, Niko se laisse entraîner, notamment par son ami Matze (ancien prodige du théâtre sur le déclin qui cherche à revenir sur le devant de la scène) dans un enchaînement de situations, toutes plus loufoques et absurdes les unes que les autres. C'est pourquoi le film balance constamment entre le drame et la comédie : par moments, on rit franchement, et à d'autres, on rit jaune.

  Dans ce film, Berlin apparaît comme la capitale du bizarre (Matze se la joue à la Taxi Driver et dit qu'il faudrait brûler la ville...). S'il devait y avoir un personnage emblématique de cette bizarrerie, ce serait bien Niko : incapable de créer un véritable lien avec sa copine, habitué à boire au volant, sans goût pour des études de droit qu'il trouve vaines, Niko se débrouille en faisant des rencontres ici et là, et va chercher de l'affection chez les personnes les plus inattendues (la grand-mère d'un dealer de cocaïne, par exemple). On le suit à travers une série d'aventures incongrues, qu'il s'agisse du tournage médiocre d'un film sur la Seconde Guerre Mondiale ou de la représentation d'une pièce de théâtre soi-disant conceptuelle dans laquelle une jeune fille dont il se moquait au collège joue le rôle phare. Et comme si ça ne suffisait pas, Niko est fauché, et impossible de trouver du café, où que ce soit ! Les machines à café de la ville, comme si elles étaient magiquement réglées sur l'état d'esprit de Niko (en pleine crise existentielle, vous l'aurez compris), sont en panne.


Niko et Jullika (dite le gros tas)

  Mais il faut que j'arrête de vous raconter le scénario du film, sinon je vais finir par vous gâcher la surprise de la découverte.

  Parlons plutôt esthétique, ainsi que traitement des personnages !






  Je vous disais que Niko était un personnage paumé, brisé ; on voit souvent ses reflets dans ses miroirs problématiques : vitrines hypocrites, glaces taguées, buée... et pourtant, c'est lui le plus stable d'entre tous. Sans diplôme, au chômage, Niko n'est pas vraiment un modèle de réussite. Et pourtant, il tient bien mieux la route que tous les autres personnages, qui entrent en crise au moindre problème, et qui se réfugient dans des illusions. Niko, lui, n'a pas d'illusions, et il observe l'absurdité du monde extérieur avec cran. Les scènes de contemplation sont nombreuses dans ce film aux airs de jazz récurrents, dans un Berlin en noir et blanc qui permet d'en évacuer toute la saturation des couleurs pour donner une meilleure unité de tons, qui elle-même retranscrit bien la vision que Niko a de ce qui l'entoure. Ce noir et blanc est le bienvenu, car il permet de prêter davantage attention à tous les effets de contraste et de lumière, qui sont multiples. Et il y a tellement de plans qui sont à couper le souffle... j'ai désespérément cherché plus d'images du film, mais celles que j'ai mises dans cet article sont à peu près toutes celles que j'ai pu trouver.


  Plus qu'un film comique ou qu'un film conceptuel, des étiquettes auxquelles il ne saurait être réduit, je dirais que Oh Boy est avant tout un film touchant.

  Les rencontres que fait Niko sont surprenantes et, de manière inattendue, s'avèrent pleines de sens dans son véritable combat à travers Berlin. J'ai notamment beaucoup apprécié la scène dont vous pouvez voir une image juste sur votre gauche, quand Niko échoue dans un bar et qu'un vieil homme ivre vient lui raconter ses souvenirs d'enfance qui, contre toute attente, en viennent à fasciner Niko, lui qui désirait tellement être seul... et qui, ironiquement, est le plus sensible à la souffrance des autres, le mieux placé pour les écouter. Il juge silencieusement le monde autour de lui avec gravité, observe ce que les adultes avant lui en ont fait - et lui, dans tout ça, que devrait-il faire ? Quelle est donc sa place ? Opposé à l'idée de répéter les erreurs des autres, Niko se retrouve confronté à la perspective d'une vie d'inaction et de solitude. Mariages malheureux, maladies, traumatismes de la Seconde Guerre Mondiale, thérapies musclées... Niko n'en veut pas. Il fait le tri de ce qui l'entoure, spectateur silencieux face à une scène de théâtre des plus étranges : la vie. Si bien que Niko, dans tout ça, c'est un étranger par rapport à sa propre vie, par rapport à tous les autres.

"Tu as déjà eu l'impression que les gens qui t'entourent sont étranges, mais quand tu y réfléchis mieux, tu te rends compte qu'en fait, le problème vient de toi ?"


  Je ne vous en dis pas plus, car le film n'est pas long et je finirais par tout vous dévoiler... (d'ailleurs ça fait plaisir, pour une fois, un film excellent en moins d'une heure et demie ! "Brevity is the soul of wit", disait Shakespeare).

  En bref, un film vraiment archi bon qui mérite plus d'un détour.

  Allez le voir au plus vite !


3 commentaires:

  1. Ton billet me donne envie de voir "Oh Boy" tout de suite ! Ca a l'air d'être un film atypique, rien que le choix du noir et blanc lui donne un coté à la fois atemporel et poétique

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  2. J'ai vu la bande annonce de ce film le mois dernier et j'étais bien tentée de le voir ! Ton avis ne fait que confirmer mon envie ;) Et puis comme Alexandra je pense que choix du noir et blanc apporte quelque chose en plus à l'ensemble ^^. Bref, je vais voir s'il passe encore près de chez moi :p

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  3. Je découvre de chouettes films chez toi, hop dans ma wish !

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«Il faut tout dire. La première des libertés est la liberté de tout dire»
Maurice Blanchot

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